Vivre

... vivre c'est consentir à être con, en prétendant le contraire. Qui, que, quoi, où, quelle raison maquillée saurait dire le contraire, dans ce monde perdu à jamais ? Qui, que, quoi, où, saurait-il régner le raisonnable ? Dans ce monde foutu, ignoblement prétendu pour tout un chacun, monde fait de réussites qui ne savent plus qu'en foutre, monde plein de grotesques ambitions, tous les matins, tous les soirs, tout le jour durant, où nous devons nous plier à notre propre rêverie, où nous devons refuser de nous dire que ce n'est qu'un rêve, O mon dieu, si seulement nous pouvions rêver ... un instant seulement, nous ... je serais encore plus perdu, mais où irais-je alors ? de quoi pourrais-je rêver ? Pourrais-je alors être moi-même ? Si j'étais moi-même, qui, que, quoi serais-je ? Aurais-je au moins la décence de n'être personne ?Je ne peux pas, je ne pourrais pas, j'en mourrais avant même que d'essayer d'essayer. Alors je gueule, je claque mon fric spirituel dans la colère, je crie famine là où les autres se gavent, je suis maigre et nerveux, je n'ai plus d'yeux que ma chair qui vibre, peut être à jamais, peut être l'espace d'un instant ... je me sens comme une erreur de la nature, j'ai la maturation en horreur, je me sens comme une erreur, perdue en pleine culture, un mauvais croisement d'espèces, que l'on fait pousser quand même, non pas protégé dans une serre, encadrée par des spécialistes, des spécialistes ... non ! mais poussant dans les champs, parmi les espèces potables. Je suis un mauvais grain, échappé du sac du biologiste, qui courait pour échapper à la pluie. Je serais alors né, poussant gris et petit, dans les blés puants, ronds et dorés, juste à cause d'un biologiste qui ne voulait pas avoir les cheveux mouillés. Serais-je voué à être alors ? étouffé parmi les blés de la masse qui pousse ? Mon cri est-il le dernier ? Mon cri est-il le premier ? Mon cri ...


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