ODE DIONYSIAQUE

Malgré la pluie et
l'horizon si bas qu'il occulte ma fenêtre,


et même si je sais que le
sens de la vie n'est pas le bonheur,

il fait beau et chaud sans
raison.




Un instinct puissant et
violent me soulève jusqu'à la démence, la démence jubilatoire
d'entrailles dans l'ivresse perpétuelle du vouloir vivre de tout,
quelque soit l'hallucination ou la souffrance de l'instant.




Et je ne désire rien
d'autre qu'être moi, passionnément moi, dans l'infini délice de
l'anéantissement de l'éternel revenir.




La vie, aux seins
ébouriffés, femme fontaine dans sa danse hystérique, me rappelle.




Elle fuse, déborde,
gicle, jute, mouille, éjacule, bouillonne, dans le désordre de mes
draps échevelés où se déploie un délire somptueux.





En plein air, je bande
dans le plein soleil indécent de la place publique, je caresse, je
suce, je lèche la folie moite de cet animal souple et superbe
explosant de santé et qui depuis toujours me possède




et me tend, féline,


ses bras allumeurs


et m'ouvre largement la
porte de son ventre prodigue.




La musique est désormais
ma langue maternelle.




Et sous un ciel
profondément bleu et pur jusqu'au blanc absolu,


c'est au rythme des
cuivres éclatants de la symphonie passionnément lubrique jaillie de
ses cuisses germinatives


que je la prends, que je
la baise,


et fécondé du versant
obscurément lumineux d'un couchant de sang qui s'étale sur le matin
comme un vin épais et liquoreux

que j'en jouis.




Dans mon espérance la
plus haute, loin, très loin de la pesanteur des hommes orants à
genoux en attente d'éternité,

je vole désormais sur
l'aigle sans souci de ma joie.