LA FILLE PERDUE

LA FILLE PERDUE


Au temps d’avant les dieux, cette fleur carnassière
Était belle et puissante d’un orgueil magnifique,
Sourire prédateur sur des lèvres charnues
Prodigue et sans calcul possible
De force triomphante
Elle était sans pitié.

Imprévisible dans ses élans, libre dans ses désirs,
Traversée d’éclairs splendides et fous
Elle chantait à la terre alors féconde
Un hymne généreux
De jouissance
Et de sang.

Sur l’arbre de la vie, fruit mûr gorgé de sèves
Éclatant de santé et du pouvoir de jouir,
Dans sa jouisseuse assurance de vie,
Femme adultère et sublime putain,
Insoumise victorieuse,
Rebelle à la vertu.

Les jaloux dans leur ressentiment morbide
Lui ont brisé les reins et asséché la vulve.
Ils l’ont liée de leurs lierres putrides
A la croix pourrie de leur dieu
Qui depuis deux mille ans
Orgasme de douleur.

Elle ne marche désormais qu’en pleurant
Sur ses genoux cassés, le cœur sec
Sous la jupe trouée par la misère,
Veuve du corps des hommes
Abandonnée par le plaisir
Dont elle s’illuminait.

Elle ne connaît plus que le sombre martyre
Qu’ils lui disent unique rédempteur
En la livrant aux crocs de dogues
Qui n’aiment que la charogne
Les entrailles en lambeaux
Quand ça pue.

Je ne veux pas vomir le crachat et l’injure
Au visage fané de cette pauvre ordure
Que les princes et les prêtres
Ont traînée au ruisseau.
Elle s’appelait jadis
Humanité.